Avril2020
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COVID-19 : Quid du règlement des loyers commerciaux et professionnels

COVID19: Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19

 

LA GENÈSE DU TEXTE :

Lors de l’intervention du Président de la République, le 16 mars 2020, il a été annoncé une suspension des factures d’eau, de gaz ou d’électricité ainsi qu’une suspension des loyers pour les plus petites entreprises.

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19 autorisant le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires, par ordonnance, prévoyait notamment dans son paragraphe g du 1er de l’article 11, que le gouvernement serait autorisé à prendre une ordonnance permettant de « reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures ».

Il était déjà davantage question d’un report ou d’un étalement du règlement des loyers, que d’une suspension.

Et l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 est venue préciser les dispositions.

 

LES BÉNÉFICIAIRES :

Ces mesures s’appliquent aux conditions suivantes :

1 – aux locataires ayant conclus un bail commercial mais aussi un bail professionnel. Potentiellement seraient également visées, les baux mixtes d’habitation et professionnels lorsque l’activité exercée est autorisée dans les locaux ;

2 – à la condition que le locataire exerce son activité en microentreprise, c’est-à-dire au sens de l’article 3 du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008, celles occupant moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaire annuel, ou le total de bilan n’excède pas 2 millions d’euros ;

3 – à la condition que l’activité soit affectée par la propagation de l’épidémie ;

 

En effet, conformément à l’ordonnance, les mesures sont destinées :

–  aux « personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée » ;

– ainsi qu’à « celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ».

 

Ledit fonds de solidarité, condition pour bénéficier des mesures, créé pour une durée de trois mois (prorogeable pour une durée maximum de trois mois) a pour objet « le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ».

Un décret doit encore venir déterminer les critères d’exigibilité pour pouvoir bénéficier de ce fonds de solidarité suivant les « les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire ».

Mais d’après les informations les plus récentes, il devrait s’agir des locataires ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou ayant subi une perte d’au moins 70 % de leur chiffre d’affaires par rapport à mars 2019.

 

LES EFFETS : 

L’ordonnance (en son article 4) prévoit que les personnes bénéficiaires du fonds de solidarité « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.

 Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ».

Le texte prévoit donc une neutralisation des sanctions pour un défaut de paiement des loyers ET des charges.

 C’est-à-dire que le bailleur ne peut pas intenter une action en résiliation de bail ou demander le règlement des sanctions pécuniaires prévues au contrat de bail (pénalités de retard de paiement des loyers, intérêts de retard, clause pénales).

Et ce durant la période qui court du 12 mars jusqu’au terme d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

 En somme, il n’est plus question d’une suspension des loyers et il faut comprendre que les loyers et charges restent dus, même pendant la période de confinement.

 Cela signifie donc que les si les bailleurs ne peuvent pas intenter une action en résiliation de bail jusqu’à deux mois après la période de confinement, ils peuvent en revanche intenter des actions en paiement, même en référé-provision, même immédiatement.

 

Le frein à ces actions reposant toutefois :

– sur l’impossibilité matérielle des juridictions, fermées pendant la période de confinement et déjà surchargées intérieurement, de proposer une date d’audience, et bien entendu de rendre une décision, rapidement ;

 et aussi sur l’invocation par le locataire des dispositions de droit commun (la théorie de la force majeure ou la théorie de l’imprévision) qui pourraient justifier une suspension de leur obligation de payer les loyers.

Ce qui sera analysé plus en détail dans un prochain article.

 

Dans ces conditions, il est vivement conseillé aux locataires exigibles, et aux bailleurs de se rapprocher les uns des autres, au plus vite, pour trouver amiablement des modalités de règlement des loyers (suspension, report, paiement échelonné).

 

Maître Raphaël BERGER – BERGER AVOCATS & ASSOCIES